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Et si la muséographie version asiatique
c'était ça ?

Profitant d’un voyage en Malaisie et d’une escale dans la très belle Penang, j’ai visité le Wonderfood Museum : un musée consacré à la nourriture multiculturelle malaisienne. La population de la Malaisie est constituée de divers groupes ethniques, les Malais sont majoritaires (62%), mais il y a environ 25 % de Malaisiens d'origine chinoise et 10 % d'origine indienne. Chaque ethnie a sa propre culture, notamment culinaire, ce qui crée une très riche variété de plats, de préparations et d’habitudes alimentaires. C’est cette diversité qui est au cœur du musée, mais les thématiques sont variées : équilibre alimentaire, agriculture ou encore gaspillage et malnutrition sont abordés.

 

Avant de visiter ce musée, j’avais, je l’avoue, un apriori plutôt condescendant sur ce musée. Me disant qu’une fois de plus le terme « musée » avait été utilisé pour qualifier ce qui me semblait être plutôt un genre de parc d’attraction, de terrain de jeux où le seul but était de se prendre en photo avec d’énormes durians ou en endossant le costume d’un vendeur de rue. Mais quelque chose m’avait sans doute mis la puce à l’oreille car j’avais quand même décidé d’y aller !

Passons sur la définition de la notion de « musée » (vaste sujet) pour comprendre la réflexion qui a germé en moi au fil de la visite… Suis-je devant un parfait exemple de la muséographie version asiatique ? En quelques mots, je nomme « muséographie » la mise en discours de contenus (données scientifiques, ethnographiques, historiques, artistiques, etc.), grâce à des supports et dispositifs de médiation à destination des visiteurs, suivant un parcours de visite didactique.

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Le concept premier de ce musée est la maquette. À l’échelle, en miniature, grossi, (re)coloré, déformé, interprété… chaque élément est artificiellement recréé et présenté au visiteur. Aux oubliettes donc les objets de collections, les supports multimédia, et autres expôts classiques des musées d’aujourd’hui. Les visiteurs défilent alors au gré du parcours en s’arrêtant uniquement pour prendre des photos. À peine étais-je rentrée dans la galerie qu’un surveillant me proposait de lui confier mon téléphone, d’attraper des accessoires et de poser en parfaite serveuse de thé, pendant qu’il me mitraillerait. (Je vous laisse imaginer la scène car j’ai gentiment décliné l’offre.)

Si en Occident « on visite une exposition avec ses pieds » (dixit mon papa-muséo), en Asie on visite une exposition avec son téléphone ! Face à ce postulat, l’ensemble du musée est conçu pour la photographie, la mise en scène – les visiteurs devenant « acteurs » ou plutôt modèles – et le partage sur les réseaux sociaux. Là où je ne voyais, avant, qu’une attraction, j’ai vu ici de la muséographie. Les contenus sont transmis grâce à ces maquettes, par l’expérimentation, par le jeu de rôle, avec de l’humour, du spectaculaire, des effets « wahou », en un mot de l’émotion. Quelques exemples : pour montrer la quantité moyenne de nourriture consommée par une personne en un an, un petit commerce, proposant toute cette nourriture à vendre, a été imaginé (évidemment vous pouvez « jouer » au vendeur et aux clients et vous faire prendre en photo). Pour mettre en lumière l’importance et la surconsommation du sucre dans notre alimentation, une série d’assiettes présentant différents plats est accrochée au mur avec en correspondance des cuillères remplies de sucre. Ou encore, pour aborder la notion de gaspillage versus malnutrition, une sculpture hyper réaliste d’une petite fille des rues. Les exemples sont nombreux puisque tout le musée fonctionne comme cela.

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La muséographie est bel et bien présente dans ce musée qui s’éloigne de nos codes occidentaux. Elle l’est peut-être plus même que dans un traditionnel musée de beaux-arts où le visiteur doit « simplement » être ému par la beauté des œuvres, sans en comprendre ni le sens, ni bien souvent la progression du parcours. Ici, les propos sont choisis, le discours est construit, les partis-pris sont assumés et affichés. La particularité réside juste en la simple dichotomie du visiteur, soit modèle, soit photographe. Après je ne sais pas si les messages sont clairement reçus par tous, je n’ai pas fait une enquête de public. Mais tous les thèmes sont abordés et moi j’ai appris plein de choses !

 

Je regrette juste le manque d’expôts proposés à mes oreilles, mes narines et mes papilles… La nourriture c’est certes visuel et sensitif, mais pas que. Et personne n’est jamais contre une petite dégustation à la fin d’un musée sur l’alimentation.

 

 

Wonderfood Museum

49, Lebuh Pantai, Penang

14 septembre 2017, Penang

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
And what if this was Asian museography
in its purest form?

During a trip to Malaysia and to beautiful island of Penang,

I have visited the Wonderfood Museum which is a museum about Malaysia's multicultural food. The Malaysian population is made up of various ethnic groups: the Malays are the majority (62%), but there are around 25% of Malaysians from Chinese origin and 10% from Indian origin. Each ethnic group has its own culture, especially culinary, which creates a wide variety of dishes, cooking and eating habits. This diversity is at the heart of the museum, but the themes are varied: such issues as  healthy diets, food production, food waste, and malnutrition are addressed.
Before visiting this museum, I was, I must admit it, rather prejudiced against it. I was telling myself that that once again the word "museum" was being used to describe something which rather seemed to be a kind of amusement park, a playground where the only goal was to take pictures with enormous durians or putting on the costume of a street vendor. But it had a certain je ne sais quoi about it that had given me something of a hint that there was more to it that met the eye and I had decided to go!
Let us not dwell on the problem of the definition of the notion of "museum" (a vast topic for debate) to embark on the train of though that I followed during my visit... Could this museum be considered a perfect example of Asian museography? In a nutshell, I name "museography" the organization and presentation of content (be it scientific, ethnographic, historical, or artistic) in order to take the visitor through a learning process that is based on experience of interactive media and other visitor-oriented communication devices.

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The concept at the core of this museum is the model. Be it life-size, miniaturized, enlarged, colored, distorted, or explained, each element is artificially recreated and exhibited to the visitor. The Wonderfood Museum does away with traditional museum artefacts, multimedia devices, and the other exhibition devices of today's museums. The visitor walks through the exhibition, stopping only to take pictures. No sooner had I gone into the gallery than a museum attendent offered to take my phone and told me to grab some props and pose as a perfect tea waitress while he would take pictures. (I'll let you imagine the scene because I kindly declined the offer.)
If in the western world "one visits an exhibition with one's feet" (so says my papa-museo), in Asia one visits an exhibition with one's phone! With this premise in mind, the whole of this museum is designed for taking pictures, staging – the visitors become "actors" or rather models - and sharing on social networks. Where I used to see only a funfair, now I saw museography. The scientific content is conveyed thanks to experiencing these models through role play and with humor and that spectacular "wow" effect, or, to cut a long story shor: with emotion. Here are a few examples: To show the average amount of food consumed by a person in a year, a small shop is set up offering all that food on sale (obviously you can "play" the role of the shopkeeper or that of the customer and take pictures). To highlight the importance and the over-consumption of sugar in our diet, a series of plates with different dishes is hung on the wall with matching spoons filled with the equivalent amount of sugar. Or, to deal with the notion of waste versus malnutrition, a hyper-realistic sculpture of a street girl is exhibited. The examples are numerous since the whole museum works like this.
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Museography is indeed present in this museum which departs from our Western codes. It does it perhaps even more so than in a traditional fine art museum where the visitor has to "simply" be touched by the beauty of the works of art on display, without so much as understanding either their meaning or the overall layout of the exhibition. In the Wonderfood Museum, the content is organized, the speech is constructed, choices have been made and put on display. The distinctive characteristic resides in the simple dichotomy between the visitor, as a model or a photographer. I don’t know if all the messages get through to all the visitors as I haven’t conducted a survey in due form. But all the themes are duly covered and I, for one, have learned a lot of things!

I just am sorry I didn't get anything offered to my ears, nostrils and taste buds ... Food is certainly to be experience through the eyes, but not only. And who could say no to a little food-tasting at at the end of a museum on food?

 

Wonderfood Museum

49, Lebuh Pantai, Penang

September 14th, 2017, Penang

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