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Picasso, produit de consommation

Le weekend dernier, je me suis rendue dans un grand centre commercial de Hong Kong, au nom évocateur de Times Square. En sortant, je tombe sur un bâtiment temporaire qui porte l’inscription « Picasso & Jacqueline – Exhibition ». En bonne française que je suis, éduquée à l’art et ayant un penchant pour la culture espagnole, j’ajoute aussitôt cette activité à ma liste mentale de choses à faire.

Quelques jours plus tard, me voici prête. Après avoir fait la queue, j’obtiens le sésame et rentre dans l’espace d’exposition, auquel seule une quinzaine de visiteurs sont conviés à la fois. Cette petite marée de visiteurs hongkongais plonge sur les premiers textes de l’exposition (accessoirement écrits tout petits, histoire qu’on s’agglutine pour pouvoir lire quelque chose). Bref. Passant mon tour, je me dirige vers un petit espace à part, où une quarantaine de dates associées à des phrases et des photographies esquissent un portrait de la vie de Picasso. Je reviens ensuite aux textes introductifs, puis m’avance pour profiter de la dizaine d’originaux exposés, portraits de Jacqueline dessinés ou peints par Picasso.

Professionnelle des expositions, je ne peux m’empêcher, à ce moment-là, de m’interroger sur les conditions de conservation de ces œuvres de papier ; il fait chaud, humide et ce ne sont pas les très nombreux déshumidificateurs qui me rassurent… Cependant, je suis agréablement surprise par la qualité de la muséographie et par la proposition d’une telle exposition dans un tel lieu. Le discours est simple, complet et précis. Les voies d’accès au contenu sont diversifiées et complémentaires : de grandes photographies soulignent les propos, les œuvres – porteuses de sens – sont mises en valeur et de courts textes complémentaire permettent d’en apprendre davantage sur le travail de Picasso et sur sa relation avec Jacqueline. Une belle découverte donc !

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Sauf que… et oui voilà le « oui, mais ». Sauf que, alors que naissait une relation intime avec les œuvres de Picasso, une alarme se met à sonnait et les gardiens à baragouiner en cantonais. Privilégiant mon rêve éveillé, je les laisse s’agiter de leur côté. Jusqu’à ce qu’un homme vienne me parler, et là, tout s’éclaire ! Notre temps de visite était limité, il faut que je laisse place nette pour les visiteurs suivants. Mais, mais, mais… je n’ai vu qu’un tiers des œuvres, moi !

Je comprends alors le papillonnage intempestif des visiteurs voulant tout voir mais ne savant que choisir, leur plongée sur les textes introductifs, les entrées par vagues, la queue à l’extérieur. Vite, vite, apercevoir les dernières œuvres, vite, vite, jetez un œil au dernier texte, vite, vite, profitez de derniers instants. « Madame, il faut y aller ! » (en anglais dans la version originale). Voilà, je suis sortie, je peux cocher cette activité dans ma liste de choses à faire. Heureuse d’avoir pu voir cette exposition, mais une légère amertume se faire sentir.

 

L’idée d’amener la culture au cœur de la vie urbaine, de proposer une exposition gratuite, de qualité et porteuse de sens, est lumineuse. Il faut poursuivre en ce sens. Mais faut-il pour autant s’approprier les codes de la société de consommation ? Transformer l’exposition en un bien à consommer et rapidement passer à autre chose ? Ne faut-il pas se délecter de l’art plutôt que de le cocher de sa liste de choses à faire ?

Times Square Living Room Museum

Times Square, Hong Kong

21 mars 2017, Hong Kong

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Picasso, consumer product

Last weekend, I went to a big shopping mall in Hong Kong, with the evocative name of Times Square. Leaving, I come to a temporary building with the inscription "Picasso & Jacqueline - Exhibition". As a good Frenchwoman as I am, educated in art and having a taste for Spanish culture, I immediately add this activity to my mental "to do list".


A few days later I was ready. After stood in line, I get the sesame ticket and go into the exhibition, where only about fifteen visitors are invited at a time. This small flood of Hong Kong visitors plunges into the first texts of the exhibition (as well written very small, just to agglutinate us to be able to read something). Anyway, I sit my turn out, I go to a small space apart, where about some dates associated with phrases and photographs sketch a portrait of the Picasso’s life. Then, I return to the introductory texts, and advance to enjoy the dozen original exhibits, Jacqueline’s portraits drawn or painted by Picasso.


As a professional of exhibitions, I can not prevent, at this moment, from wondering about the conditions of conservation of these works of paper. It is hot, it is humid and many dehumidifiers are not there to reassure me... However, I am pleasantly surprised by the quality of the museography and by the proposal of this kind of exhibition in a such place. The speech is simple, complete and precise. The access to the content are diverse and complementary: large photographs emphasize the words, the works - bearers of meaning - are highlighted and short complementary texts make it possible to learn more about the work of Picasso and his relation with Jacqueline. A great discovery!

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Except that... and here is the "yes, but". Except that, while an intimate relationship with the Picasso’s works was borning, an alarm begin to sound and the guards are jabbering in Cantonese. Privileging my awakened dream, I let them twist and turn on their side. Until a man comes to speak to me, and there everything lights up! Our visit time was limited, so I have to leave room for the next visitors. But, but... but I only saw a third of the works, me!

I understand then the untimely butterfly of the visitors wanting to see everything but not knowing what to choose, their diving on the introductory texts, the entries by waves, the outside tail. Quickly, quickly, see the latest works, quickly, quickly, take a look at the last text, quickly, quickly, enjoy last moments. "Madame, you must to go!" ". That’s it, I'm out, I can check this activity in my list of things to do. Happy to have been able to see this exhibition, but a slight bitterness will make itself felt.

The idea of ​​bringing culture to the heart of urban life, offering a free exhibition, of quality and meaningful, is bright. This should be continued. But is it necessary to appropriate the codes of the consumer society? Transform exposure into a good to consume and quickly move on to something else? Should we not revel in art rather than check it on its list of things to do?

 

Times Square Living Room Museum

Times Square, Hong Kong

March 21st, 2017, Hong Kong

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